Législatives en France– Passées les surprises des résultats du scrutin législatif du dimanche 7 juillet, le temps des leçons politiques et des négociations pour la formation du nouveau gouvernement avec une assemblée fragmentée est venu.
Pour la gauche, le Nouveau Front Populaire (NFP), arrivé en tête avec 182 sièges, doit « gouverner » et appliquer le programme qu’il a présenté aux électeurs. Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise (LFI), a été le premier à prendre la parole dimanche soir, suivi de Marine Tondelier pour les Verts et Olivier Faure pour les socialistes.
Les cadres et militants des partis du NFP ont célébré leur succès électoral séparément, un symbole des relations complexes au sein de la coalition, selon l’analyse d’Aurélien Devernoix du service politique. La première étape pour le NFP est d’éviter l’implosion. En effet, les forces au sein de l’alliance se sont rééquilibrées. Alors que la Nupes était composée à 50 % de députés LFI, ces derniers ne représentent plus qu’un gros tiers dans le NFP, talonnés par les socialistes. Il faut aussi prendre en compte les dissidents Insoumis, qui ne souhaitent plus siéger avec les mélenchonistes. « Il faut que l’on travaille sur la structuration », nous confiait hier soir une dirigeante écologiste, c’est-à-dire sur cet équilibre des forces avec une France Insoumise sans doute moins puissante, mais certainement pas moins exigeante.
Une première réunion a eu lieu dimanche soir entre Marine Tondelier, Olivier Faure, Manuel Bompard (négociateur de LFI) et Fabien Roussel (PCF) pour « analyser » les résultats. « Le travail va continuer aujourd’hui, toute la journée, sans doute demain et les jours qui suivront », a indiqué Mme Tondelier, qui invite le président à demander dès ce lundi « un nom de Premier ministre » à la coalition de gauche.
Il appartient au chef de l’État de nommer le Premier ministre, et il est vraisemblable que dans un premier temps, Emmanuel Macron demande à Gabriel Attal, qui doit démissionner ce lundi matin, de rester à Matignon pour expédier les affaires courantes.
Le NFP ne dispose pas d’une majorité au Parlement. Le Premier ministre, qui a annoncé dimanche soir qu’il présenterait sa démission ce lundi matin, avait évoqué après les résultats la perspective d’une « assemblée plurielle » dans laquelle les forces politiques « républicaines » puissent travailler ensemble. Sur le papier, l’option d’une coalition est envisageable, analysait Valérie Gas du service politique de RFI, mais dans la réalité politique, elle sera difficile à construire.
Aucune « majorité absolue ne peut être conduite par les extrêmes » et « le centre de gravité du pouvoir sera désormais plus que jamais entre les mains du Parlement (et donc) de nos concitoyens », a ajouté le Premier ministre, Gabriel Attal.
Laisser la poussière retomber
Le chef de l’État a bien compris qu’il fallait attendre pour voir la poussière retomber. Y a-t-il un chemin pour une grande coalition gauche-droite, comme l’espérait son camp ? Peu probable au vu des déclarations d’Olivier Faure, par exemple, qui ne veut pas d’une « coalition des contraires ». Mais d’éventuelles fractures au sein du NFP seront observées avec attention du côté de l’Élysée, d’autant plus que des fissures étaient déjà là. D’ailleurs, si l’alliance de gauche avait perdu comme le prédisaient les sondages, elle se serait sans doute dissoute.
La première question sera de déterminer si le NFP est prêt à s’ouvrir à d’autres forces, notamment à l’aile gauche du camp présidentiel, pour renforcer sa majorité relative. Les chefs du NFP vont en tout cas se consulter dans les prochaines heures. Des négociations qui pourraient prendre du temps…
Grosse déception du côté du RN
Dimanche soir, à l’annonce des résultats, c’était la désillusion du côté du Rassemblement National (RN), avec quelques larmes sur les visages, tant certains voyaient déjà Jordan Bardella à Matignon. Le RN et ses alliés « ciottistes » s’adjugent la troisième place, avec 143 sièges. Les sondages, pourtant, étaient de moins en moins favorables à mesure que le second tour se rapprochait.
Parmi les centaines d’adhérents présents hier soir dans un pavillon du Bois de Vincennes, beaucoup pestaient contre le Nouveau Front Populaire, « alliance de pacotille », et le barrage républicain qui a coûté au RN des dizaines de sièges. Mais le parti devra aussi s’interroger sur sa stratégie d’entre-deux-tours : la polémique sur les binationaux ou encore les maladresses, voire les propos carrément racistes de certains candidats. Des faits qui comptent quand, dans certaines circonscriptions, le résultat s’est joué à quelques centaines de voix. Les cadres du RN devront en tirer des leçons. En attendant, Marine Le Pen répète que la France est désormais ingouvernable. Du carburant supplémentaire pour la présidentielle dans trois ans, et on sait qu’elle est candidate.
« On prend acte et on va s’opposer, sans compromission », déclare ce lundi matin le porte-parole du RN Sébastien Chenu. « On n’est pas là pour faire des tambouilles d’arrière-cuisine, aller négocier dans le dos des Français des espèces d’alliances comme peut-être le PS rêve d’en faire une avec Renaissance en lâchant Mélenchon. On leur laisse tout ça. »
Le camp macroniste « n’est pas mort »
Les reports de voix du « front républicain » ont profité aux macronistes, qui disposent de 168 sièges et sont rétrogradés à la deuxième position à l’Assemblée nationale, derrière le Nouveau Front Populaire, mais devant le RN. Ils ont bien l’intention de participer à une future éventuelle coalition.
Les macronistes présenteront des « conditions préalables à toute discussion » en vue d’une majorité, a assuré le secrétaire général du parti, Stéphane Séjourné, élu député des Hauts-de-Seine. Pour le président du Modem, François Bayrou, « personne n’a gagné » à l’issue de ces législatives, où les électeurs ont d’abord voté, selon lui, au second tour pour barrer la route au Rassemblement National.
Mais sans une partie de la gauche, la coalition Ensemble ne pourra pas gouverner. Sans une partie des macronistes, le Nouveau Front Populaire n’y parviendra pas non plus, or le camp présidentiel a clairement fait savoir qu’il ne s’allierait pas avec La France Insoumise, une hypothèse également balayée par le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Lorgner du côté des Républicains pourrait également s’avérer peine perdue : Laurent Wauquiez, de retour sur la scène nationale avec son élection en Haute-Loire, a prévenu qu’il « n’y aura ni coalition ni compromission » de la part de LR. « Cette alliance contre le RN aboutit à une forme de paradoxe institutionnel. Les électeurs se sont mobilisés, ont répondu à cet appel mais pour produire une France ingouvernable à ce stade », analyse pour l‘AFP le politologue Martial Foucault (Cevipof).
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