Les premiers policiers kenyans tardent à se déployer en Haïti pour rétablir la sécurité à Port-au-Prince, ville en proie aux ravages des gangs. Le président kenyan William Ruto, dans une récente interview à la BBC, estime que leur arrivée devrait se faire dans un délai d’environ trois semaines. En attendant, les gangs armés continuent de faire montre de leur pouvoir en détruisant des bâtiments officiels, notamment des postes de police tombés sous leur contrôle. Cette insécurité compromet sérieusement les opérations de Médecins sans frontières (MSF), qui se retrouve dans l’incapacité d’importer des médicaments et du matériel médical depuis la mi-mars. L’organisation lance donc un appel pressant pour faciliter la distribution de ces fournitures essentielles à la population. Pour en savoir plus sur la situation, Mikaël Ponge a discuté avec Mumuza Muhindo, chef de mission de MSF en Haïti.
Mumuza Muhindo souligne que l’appel de MSF s’adresse à tous ceux qui peuvent contribuer à garantir un accès sans entrave à l’aéroport et au port de la capitale. Actuellement, plusieurs établissements de santé ont des médicaments bloqués au port, mais ils ne peuvent pas les récupérer en raison de divers obstacles. Cette situation menace la qualité des médicaments, qui risquent de se détériorer faute d’un stockage conforme aux normes.
Interrogé sur les demandes spécifiques adressées aux douanes, Mumuza Muhindo explique que MSF demande un assouplissement du processus de dédouanement, souvent fastidieux et peu flexible. Il en appelle également à tous les acteurs impliqués dans le conflit pour faciliter le travail des douanes, car ces dernières ont besoin de sécurité pour fonctionner correctement. Il est crucial que les douaniers puissent accéder au port sans crainte, et que l’aéroport soit facilement accessible pour permettre une livraison rapide des médicaments, étant donné l’urgence de la situation.
Il souligne également l’importance de maintenir la fonctionnalité des ports maritimes pour assurer un approvisionnement continu, non seulement en provenance de l’étranger mais aussi des provinces environnantes. Cette nécessité est d’autant plus cruciale dans une capitale étouffée par le manque de ressources.
Malgré une légère reprise récente des activités à l’aéroport et au port, Mumuza Muhindo reste prudent quant à une amélioration significative de la situation. Il souligne que l’accès aux soins de santé à Port-au-Prince demeure alarmant, avec seulement 20% des établissements de santé fonctionnant normalement. Les rares structures en service le font avec des capacités limitées, entravées par l’insécurité, le manque de ressources financières et le personnel de santé souvent absent. Le manque de médicaments, en raison de stocks insuffisants et de pillages, aggrave encore la situation.
Ces défis entravent considérablement les efforts de MSF. Malgré ses actions, l’organisation estime que ses interventions restent largement insuffisantes face aux besoins de la population. Au cours des mois de mars et avril 2024, MSF a effectué plus de 9 025 consultations externes via des cliniques mobiles, traitant notamment 4 966 cas urgents, dont 870 blessures par balle, touchant principalement des civils innocents. Parmi ces victimes, on trouve des femmes, des enfants et des personnes âgées. L’organisation a également pris en charge 740 victimes d’accidents de la route, souvent causés par la précipitation lors de départs précipités de domicile. En outre, MSF rapporte chaque semaine des dizaines de cas de viols, illustrant une situation alarmante qui perdure.
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