Le Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux (FTDES) a mené une étude de terrain approfondie sur la situation des migrants en Tunisie. Sous la direction d’une équipe de chercheurs, cette enquête s’est déroulée de mars à mai 2024 dans les gouvernorats de Tunis, Sfax et Médenine, avec un échantillon de 379 migrants. L’étude utilise des méthodes quantitatives et qualitatives, incluant des entretiens semi-directifs et des focus groupes.
Contexte et Axes de l’Étude
Dans un contexte local et régional complexe, cette étude a exploré cinq axes clés :
1 – Parcours et conditions d’arrivée
2 – Conditions de séjour en Tunisie
3 – Accès aux droits fondamentaux
4 – Relations sociales et rapports à autrui
5 – Interactions avec les institutions publiques et les acteurs de la société civile
Les résultats préliminaires présentés ci-dessous offrent un aperçu des caractéristiques générales de l’échantillon et des thèmes principaux de l’étude. Des documents analytiques détaillés seront publiés à partir de septembre prochain.
L’échantillon se compose de 72,1 % d’hommes et 26,9 % de femmes, avec une majorité (64 %) âgée de 18 à 28 ans. La moyenne d’âge est de 26 ans, et 5 % sont mineurs. En termes d’éducation, 9,5 % des personnes interrogées sont analphabètes, tandis que 28 % ont un niveau d’éducation avancé.
Les migrants proviennent de 23 pays africains, le Soudan étant le plus représenté (14,2 %), suivi de la Guinée Conakry. La majorité (62,8 %) des migrants sont en situation irrégulière, et 25 % sont des demandeurs d’asile.
Parcours migratoire et conditions de vie en Tunisie
Les motivations migratoires sont principalement politiques et économiques, avec 66 % des migrants fuyant des régimes oppressifs et 54 % le changement climatique. La majorité est arrivée en Tunisie par la frontière terrestre avec l’Algérie (60 %) et la Libye (23 %). Près de 45 % des migrants ont poursuivi leur voyage à pied en Tunisie.
Actuellement, 52 % des migrants sont sans emploi. Les conditions de vie sont précaires pour plus de la moitié d’entre eux, avec 75 % ayant changé de domicile plusieurs fois au cours de l’année passée pour éviter la violence et les contraintes de sécurité. 77 % des migrants ont été victimes de violence, principalement verbale (67 %) et physique (56,7 %).
Accès aux droits fondamentaux, relations sociales et interactions institutionnelles
Les migrants rencontrent de nombreuses difficultés pour accéder à l’eau potable (40,1 %) et à la nourriture (70 %). En matière de santé, 65,2 % se rendent fréquemment en pharmacie, tandis que seulement 14 % ont visité un hôpital public au moins une fois. Les principales barrières à l’accès aux soins sont financières (93 %) et la peur d’être arrêté (90 %).
Les migrants reçoivent majoritairement de l’aide en nature de la part des communautés locales et des autorités tunisiennes. Cependant, ils estiment que la population tunisienne n’est pas favorable à une régularisation massive en raison de la manipulation de l’opinion publique, de la situation économique difficile et du racisme.
Sur les motifs de leur présence en Tunisie, 75,2 % des migrants déclarent y être contraints, 62 % invoquent un réseau de soutien, et 46,4 % espèrent trouver du travail. Plus de 30 % ont tenté de traverser vers l’Europe au cours de l’année écoulée, et 53,8 % connaissent des migrants noyés ou disparus.
Les migrants considèrent la possibilité de travailler (30,1 %) et la stabilité sécuritaire (33,3 %) comme des facteurs d’attractivité. En revanche, l’insécurité (67,5 %), l’impossibilité de traverser vers l’Italie (60,7 %), et la maltraitance des autorités (80,2 %) sont des facteurs de répulsivité.
Cette étude préliminaire met en lumière les défis majeurs auxquels les migrants en Tunisie sont confrontés, et souligne la nécessité de réponses appropriées pour améliorer leur situation.
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