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Voix des sénégalais : Les raisons de notre vote pour Diomaye

Voix des sénégalais : Les raisons de notre vote pour Diomaye

Dans son atelier, situé dans la banlieue nord de Dakar, Cheikh Lo, tailleur de 34 ans, respire désormais un air d’espoir pour l’avenir : il fait partie des nombreux Sénégalais ayant porté au pouvoir le candidat antisystème, Bassirou Diomaye Faye.

Comme beaucoup d’opposants à l’establishment, Cheikh Lo réclame un « changement radical ». « Nous avons trop souffert, 12 ans de souffrance, c’est vraiment trop », déclare-t-il après la victoire de M. Faye dès le premier tour de l’élection présidentielle.

A 44 ans, M. Faye deviendra le plus jeune président de l’histoire du Sénégal, après avoir remporté l’élection de dimanche sur la base d’un programme de réformes systémiques, suite à des années de troubles meurtriers, de stagnation économique et de crise politique.

Son principal rival, Amadou Ba, membre de la coalition gouvernementale, a reconnu sa défaite après avoir échoué à convaincre les électeurs en promettant de poursuivre le travail du président sortant, Macky Sall.

Une sanction évidente

Les résultats provisoires montrent que M. Ba a été largement battu dans les urnes, même dans sa propre circonscription, au nord de Dakar. « C’était clairement un vote de sanction », estime Cheikh Lo, qui travaille dans un vaste marché dans le quartier ouvrier de M. Ba.

Malgré la mise en œuvre d’un vaste programme de développement pluriannuel, le président sortant laisse derrière lui un taux de chômage de 20% et une pauvreté persistante dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Selon le Programme alimentaire mondial de l’ONU, au moins une personne sur trois au Sénégal, qui compte 18 millions d’habitants au total, vit encore dans la pauvreté.

Cheikh Lo affirme que son revenu a diminué de moitié au cours des 12 dernières années sous le régime de Sall. « Les années précédentes étaient merveilleuses… On ne travaillait pas beaucoup et on gagnait beaucoup d’argent. Mais maintenant, c’est une honte… Nous travaillons dur, mais nous ne gagnons pas grand-chose », explique-t-il.

Ce sentiment est partagé par de nombreux commerçants, dont les étals remplissent les allées du marché. Ndeye Farma Gueye, 43 ans, affirme avoir passé près de 20 jours sans voir de clients dans sa petite boutique de produits artisanaux. « Nous avons vécu l’enfer », dit-elle. « La situation était meilleure avant l’arrivée de Macky… Nous avons dû nous serrer la ceinture ».

Mme Gueye a également voté pour Diomaye et espère des changements significatifs, notamment une baisse du coût de la vie, des opportunités pour les jeunes et le développement du pays. « Nous attendons beaucoup de choses et nous savons qu’elles vont changer dans les prochains mois », déclare-t-elle.

Un président de rupture

Le futur président Faye s’est présenté comme le candidat de la rupture. Il a promis de redistribuer les richesses du Sénégal et s’est engagé lundi à réduire le coût de la vie.

Interrogés par l’AFP, de nombreux commerçants du marché ont également exprimé leur désir d’un plus grand respect de l’État de droit après plusieurs épisodes de violences depuis 2021.

Traumatisés

Ces troubles, en partie issus d’un bras de fer entre le charismatique mentor politique de M. Faye, Ousmane Sonko, et l’État, ont entraîné des dizaines de morts et des centaines d’arrestations à travers le pays.

Tous les interviewés par l’AFP sur ce marché ont déclaré connaître quelqu’un arrêté lors des manifestations. « J’ai un frère ici au marché qui a été arrêté et torturé d’une manière ou d’une autre », déclare Ndeye Farma Gueye, ajoutant qu’elle connaît « beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens » qui en sont « sortis très traumatisés ».

Bassirou Diomaye Faye, lui-même arrêté en avril 2023, a été libéré de prison en même temps que M. Sonko un peu plus d’une semaine avant les élections. Il a déclaré que sa priorité était la « réconciliation nationale », ainsi qu’une réforme des institutions pour rétablir l’État de droit, selon lui bafoué par M. Sall.

« Les gens ont l’impression qu’Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye ont plus de valeurs que les autres candidats du système », estime El Hadji Mamadou Mbaye, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université de Saint-Louis.

Avec près de la moitié de la population sénégalaise âgée de moins de 20 ans, « cette élection marque la victoire de la jeunesse qui attend » le changement, ajoute M. Mbaye.

Tout au long de la campagne, M. Faye a rassemblé de vastes foules de jeunes attirés par son discours antisystème. « Mon choix, c’est juste pour un changement radical dans notre pays », soutient Mame Faty Diop, 45 ans, une vendeuse de cosmétiques, se disant soulagée que les « vieux » dirigeants ne soient plus au sommet de l’État.

L’absence de perspectives économiques, selon elle, a engendré du désespoir chez les jeunes, et des départs massifs pour une vie meilleure vers l’Europe via les eaux périlleuses de l’Atlantique.

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